Edwige Martin

Publié le par Bib

1-Prénom et/ou nom : Edwige Martin (Anime le Club des Jeunes Lecteurs critiques à Aulnay sous Bois)

2-Que lisez-vous en ce moment ? Toujours plusieurs livres en même temps, sauf quand un me captive au point de ne pas l’abandonner avant la fin. Mais c’est relativement rare. Des essais : Exterminez toutes ces brutes de Sven Lindquist, Les délaissés de Patrick Declerk, et L’ensauvagement de Thérèse Delpech : pour avoir toujours l’esprit lucide … loin de l’abrutissement lent diffusé par les médias. Des romans « jeunesse » pour découvrir des nouveautés intéressantes : Je mourrai pas gibier de Guillaume Guéraud et Toute la vérité sur la mort de ma grand-mère de Christophe Donner, deux auteurs que je suis et qui ont chacun une voix  et un univers. J’avais invité le second à la bibliothèque pour une rencontre autour de son « Décalogue » qui avait passionné les collégiens. Il a parlé de l’homosexualité d’une manière  inoubliable,  à partir d’une question d’un de ses lecteurs de dix ans. 

3- Quel est votre plus vieux souvenir de lecture ? Celui où ma mère, inculte, m’a appris à lire : la méthode Boscher, toujours d’actualité… C’était lié aussi au plaisir de former des lettres, d’entendre des sons silencieusement : une sorte de miracle  en deux mois – qui s’accomplit : le pouvoir de lire , le désir d’écrire ! Il m’en est resté la curiosité – le goût des études, tout en détestant l’école que j’ai connue à 6 ans sans maternelle ni cours préparatoire. Il m’en est resté le goût de la solitude, si remplie d’autres mondes…

 

4- Que lisiez-vous étant adolescente ? A partir de douze ans, je prenais tout ce qui se trouvait d’intéressant sur le tourniquet des livres de poche à la papeterie-librairie de mon quartier, Je n’ai pas de souvenir particulier sinon la saga de Roger Martin du Gard, les Thibault, que j’ai adorée ; mais aussi de lectures obligées, prescrites au lycée trop tôt comme La peste de Camus, que j’ai appréciée plus tard . J’étais une boulimique de lectures. Tous ces livres de poche sont dans une malle je ne sais où, faute de place à une période de ma vie. Maintenant j’ai des livres que je suis sûre de relire, ou de prêter. J’en emprunte beaucoup en bibliothèque et n’achète que des coups de cœur, méritant d’être relus, ou offerts.

5- Quels sont vos auteurs préférés ? Des poètes, comme Guillevic, St John Perse, E. Jabès, Octavio Paz (et beaucoup d’autres), Rimbaud ; Nicolas Bouvier, Jamaïca Kincaid, Erri di Luca, Francisco Coloane, Luis Sepulveda, Gao Xingjian, Robin Hobb, Claude-Louis Combet, Nancy Huston, Hannah Arendt, Nieztche, J. Llamazares, François Solesmes. Il y a un auteur qui me fascine : Pascal Quignard, qui a aussi pris le nom féminin d’Agustina Izquierdo pour écrire « L’amour pur ». J’aime le paradoxe d’une intelligence et d’une sensualité mêlées dans le mystère de son écriture lente, retenue. Il ouvre à une réflexion, à une promenade et résiste à toute étiquette, du moins pour ses nombreux livres qui ne sont pas des romans.

6 – Quels sont les livres préférés des adolescents dans le cadre du Club de Jeunes Lecteurs critiques que vous animez à Aulnay sous Bois ?Sur les cinq dernières années, il y a près de trente titres qui ont été choisis comme le meilleur pour chaque lycéen(e), parmi une dizaine lus sur sept mois que durent nos rencontres : 

. Holly, d’Albert French -  Une histoire d’amour tragique en Caroline du Nord, 1944, entre une jeune fille blanche et un Noir « Le rythme des phrases nous envahit. On ressent les peines et les joies d’Holly. On est dans les paysages. C’est tout simplement magique. Magré toutes ces beautés, de la douleur. Un livre poignant ».

. Lettres de l’intérieur de John Marsden  « Ce roman a été une expérience que je ne fais pas tout le temps. Mes correspondances ne vont pas aussi loin. Je pourrais relire ce livre de multiples fois. Il traite de la violence avec beaucoup de finesse ».  

. La femme du vénitien de Nick Bantock «  Etonnante histoire qui a su mélanger fantastique, mythologie et sensualité. Le premier livre qui m’ait appris dans tant de domaines, surtout sur l’être humain ». . Un monsieur bien mis de Jean Vautrin « Une histoire brève, écrite et dessinée, exprimant le racisme de nos jours : l’essentiel sans dérives ». 

. Le cri de la mouette d’Emmanuelle Laborit  « Autobiographie sur la vie des sourds, le sida, la politique, l’amour découvert à treize ans. Je l’admire ». 

. Le grand écart de Ali Zei « Quand l’amour se transforme en haine, la haine de soi. Un livre sur le courage d’une adolescente et de sa grand-mère. Une rencontre amoureuse aussi, de deux êtres qui sentent abandonnés. La drogue. »  

. Le ventre de l’Atlantique de Fatou Diomé.  « Entre les illusions, l’espoir et les faces cachées de l’immigration, on plonge dans un univers traditionnel et moderne. Justesse des mots. Récit bien élaboré sur un point de vue occidental et africain » 

. 128 poèmes d’Apollinaire à 1968. « Un recueil avec une règle du jeu. Gallimard a fait du bon travail. Jacques Roubaud qui le préface le qualifie de Boite à chocolats poétiques. Une ouverture sur la poésie contemporaine » 

. Ayako d’Osamu Tosuka (manga de 3 tomes). « La déliquescence d’une famille dans un Japon sous domination américaine jusqu’aux années 70. Une histoire choquante dont l’héroïne est une fille qui devient une femme. Le graphisme joue sur les clichés cinématographiques et donne au manga un aspect très vivant ». 

. La déroute de Melvin Burgess. Du même auteur : Junk et « Un été au bord du fleuve » . Les livres de cet auteur nous font garder les yeux ouverts.  

. L’adversaire d’Emmanuel Carrère «  A partir d’un fait réel, un éclairage sur le dédoublement de la personnalité ». 

. La petite cinglée de Janine Teisson. « Les envies, fantasmes et craintes d’une fillette de dix ans qui prend sa maltraitance comme habitude. L’invention d’un monde fantastique en opposition. Une écriture imagée à la troisième personne. » 

. L’empreinte de l’ange de Nancy Huston. « Une porte ouverte à toutes les passions. On plonge à cœur et à corps perdu dans cette histoire. Témoignage sur les traumatismes subis par les Allemands et les Juifs. Bonne description de l’atmosphère en France pendant le conflit algérien. » 

. Push de Sapphire. «  Chef-d’œuvre. Une sortie de l’enfer d’une fille noire de 16 ans, pour la deuxième fois enceinte de son père. Un livre sur la société américaine et ses laissés pour compte. Un livre écrit comme la vie, où on ne doit plus faire qu’un avec l’histoire » 

. Autobiographie de ma mère de Jamaïca Kincaid. « Construit autour du vide affectif. Une culture de la solitude ». Autre titre :  Mon frère.

. Les héros de Robert Cormier. « Mélange de froideur et de sentiments. Composition remarquable. Violence confrontée à l’amour. Effrayant ». On pourrait appliquer cette appréciation à d’autres titres de cet auteur incontournable à l’adolescence : De la tendresse et A la brocante du cœur

. Tant pis pour le Sud de Christian Lehman. « Céline a seize ans. Un personnage vrai, une grande gueule. Elle déteste la brutalité et la bêtise. » Elle s’y confronte quand elle essaye de comprendre pourquoi son cousin s’est suicidé. 

. Les bébés de la consigne automatique de Murakami Ryû. « Une dureté spectaculaire : le destin de deux frères revivant sans cesse le traumatisme de leur enfance, passant du statut de victime à celui de bourreau. Une vision de cauchemar, violente et captivante ». 

. Kyoko (Murakami Ryû). Un roman sur la grâce, et l’amour d’une jeune fille qui recherche l’homme qui lui a donné le goût de la vie quand elle avait huit ans, par la danse et la musique cubaine. Plusieurs voix donnent les couleurs de ce roman vivant. « Après sa lecture, on est amené à se poser des questions sur les valeurs essentielles de notre vie ». 

. Du mercure sous la langue de Sylvain Trudel. Un jeune homme de dix-sept ans est sur son lit d’hôpital : il critique le comportement des adultes, remet en cause les sentiments. Ce roman illustre la fragilité car tout peut basculer d’un moment à l’autre. «l’humour noir et la détresse ressentis dans l’écriture ». 

. Les abîmes d’Autremer de Danièle Martinigol. « un livre d’émotions et d’évasion où la réalité et l’imaginaire sont étroitement liés ». Une identification à l’héroïne journaliste, à l’évolution psychologique très détaillée. Une réflexion sur son métier avec les nouvelles technologies. Un roman de science-fiction qui fait sauter les préjugés sur ce genre. Un hommage à la beauté, intime et plastique, grâce à l’invention sidérante de l’Abîme… 

. Le guetteur de G. Hiçyilmaz. Ce roman mêle onirisme et folie . « Chaque personnage a un rôle bien particulier tout en étant inextricablement lié aux autres. Un zoo construit par un scientifique fou. » 

. Neige de Maxence Fermine. « Etrange et belle histoire d’initiation par l’art et l’amour"

. Le message d’Andrée Chedid. « L’amour, la mort, un pays en guerre. Une sensation inexplicable ». 

. Cette fille là de Maïssa Bey. Un regard décapant et révolté sur les rapports hommes/femmes dans la société algérienne. Du même auteur : Entendez-vous dans les montagnes ? Un récit court, dédié à son père, un rendez-vous par l’écriture avec son assassin. Inoubliable.

 

Merci beaucoup à Edwige Martin d'avoir répondu à nos questions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Portraits de lecteurs

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M
votre et tres sympa voici mon site http://michaelconan.over-blog.com Michael Conan
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